I
Ce serait une piètre oraison que s'excuser
les morts manquent ;
ils rendent bègues
C'est un paysage qui se répète.
Un paysage que j'ai vu enfant
Les collines
Et les sapins sombres
Les fermes au standard européen
Une terre paysanne dont je suis
Mais dont je ne voulais pas.
Je suis né de la terre
D'une répétition
Comme langue fourchue
II
Je suis né d'une terre paysanne qui m'effrayait.
Je ne me reconnaissais pas comme du cru
J'ai crains d'avoir les mains sombres,
et fortes du cul-terreux
par manque d'affection.
L'affection vient avec l'éloignement,
elle vient d'un sentiment
de mitoyenneté,
Je suis né d'un paysage en sursis et d'un foyer,
D'une terre d'une génération de plus,
précédant la précédente.
Cette terre où l'on descend
Les corps.
III
Je suis né d'une répétition qui me dépasse
La nostalgie est un paysage de collines,
de sapins sombres, et de pacages
Promis au bâti.
Je connais les noms de chaque famille
qui habite ici - reliquats de fraternités contadines ;
Il n'en reste que de vieux os
Et des jardins potagers.
La nostalgie est un désarroi
qui m'est trop cher, et fragile pour être confié.
Je céderai plus volontiers ma terre natale
à qui accepte ses morts
l'histoire, le mythe ou le mythe de l'histoire.
IV
Ce serait une piètre oraison que questionne
Sur quelle extraction je me fonde.
Pourquoi remonter à l'origine ?
Je suis d'une généalogie rustique,
D'une race agreste
Qui ouvrageait la terre
sans la posséder.
Je ne saurais plus comprendre
Comment se transmets la terre
à travers les corps.
Né d'une terre immémoriale
Ma mémoire ne remonte pas au-delà
De deux générations.
V
Comment se transmet-elle à travers les corps ?
La terre, étends sa gouvernance
selon tel catéchisme, positif.
Les corps passés sont une masse,
Plus nombreux que les vivants
Que les morts se reposent,
nous laisserons s'effacer leur stèle !
Depuis la butte, je vois la terre où j'ai grandit
un paysage de collines et de sapins sombres
Le toit de la maison familiale
C'est une bonne terre
La terre de laquelle nous sommes nés,
n'est jamais mauvaise.
VI
Nous la laissons se reposer, retournée tant de fois
au soc, à la bêche, écrasées les mottes
Chacun – en somme – nié d'une terre
oubliée, en jachère ;
l'histoire est morte
l'avenir est hors sol
l'origine contrôlée
l'homme n'est qu'un outil qui s'échange.
Un plan d'occupation des sols est une conquête méthodique
– une guerre de position contre le paysage
Contre la civilisation vivrière de champs et vergers et des pacages
Je suis nié d'une terre vivrière et vivante
Et pourtant l'autochtone.
VII
Ce serait une piètre oraison que poursuivre.
Je suis d'une génération qui pourchasse ;
et celui qui pourchasse ne sait plus,
Se vit comme l'interruption,
interruptible.
Je n'ai pas choisi de travailler la terre, sciemment
Déjà, la génération précédente
- non plus
La génération précédent la précédente
N'en a pas montré trop de regrets
Nous avions honte de n'être pas urbains.
J'ai fait des études ; elles m'ont fait perdre
toute détermination.
VIII
Je suis le puîné d'une terre qui ne décline pas
Son rejeton,
à l'heure du remembrement
C'est un paysage arraché de haies, de murets
et de frondaisons que j'ai vu – en dernier
L'inédit et les appétences arrachent les haies, les murets
Et les frondaisons...
arracheraient les stèles s'ils le pouvait.
La terre vivrière ne rapporte plus rien
- L'on connaît la fuite
la terre paysanne n'est plus retournée,
à peine nous retournerons
à la terre.