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Incarnations - Page 13

  • Le Chant de Josué

    Ma Terre promise, mon au-delà du Jourdain
    Canaan
    Pour toi la Mer rouge s'est entrouverte
    Pour toi le désert s'est recouvert de manne
    Moïse est mort au mont Nebo
    Avant même de t'atteindre
    Et c'est un peuple jeune, fier et plein de vigueur qui est venu à toi
    Laisse approcher ce peuple jeune, fier et plein de vigueur
    Libéré des patriarches.


    Ma Terre promise, mon au-delà du Jourdain
    Canaan
    L'eau coulera des vallées et des montagnes
    Il pousse chez-toi la vigne, les figuiers, les grenadiers
    Je me nourrirai de fruits mûrs et de miel
    Je ne manquerai de rien
    Quitte à plier sous une loi d'airain
    Mais libéré de nos Pères.
    Canaan
    Combien de temps à t'attendre,
    Des pas perdus, des paroles qu'on murmure,
    Des liens qui m'ont retenu d'avoir peur.
    Je ne crains plus les enfants d'Akad.


    Dieu est mort,
    Le patriarche est mort
    Désormais nous pouvons faire fi des contraintes
    Nous pouvons faire fi des convenances
    Il ne reste que nous
    Comme les deux premiers
    - Tu es née de mon rêve.

     

    Ma Terre promise, mon au-delà du Jourdain
    Canaan
    Je n'écoute pas les voix qui voudraient me détourner de tes splendeurs
    Elles calomnient
    Elles ne disent pas que tu es la plus fertile des terres
    Que c'est le travail de mon peuple jeune, fier et plein de vigueur
    Qui fera reculer l'aridité au delà des déserts
    Les mains de mon peuple patient
    Les mains de mon peuple fort de sa passion
    Et c'est pour leur bouche que tu seras fertile.


    Ma Terre promise, mon au-delà du Jourdain
    Canaan
    D'en-deçà du Jourdain j'ai reconnu ma destination
    Parce que cette terre est mon asile
    Parce que cette terre est le lit tant attendu
    Où des bras tendres murmurent :
    « Ta force et la puissance de ta main m'ont acquis ces richesses »
    Parce que cette terre pansera mes blessures
    Parce que cette terre est une promesse de l'augure
    L'augure même de cette terre
    Avant de s'envoler
    Parce que cette terre m'a servi de bâton au long de la marche
    Parce que cette terre m'a rendu jeune, fier et plein de vigueur
    Libéré des patriarches.


    Ma Terre promise, mon au-delà du Jourdain
    Canaan
    Apprends-moi à marcher
    Apprends-moi à marcher jusqu'à toi
    A traverser le fleuve
    Je m'appelle Josué
    Je suis l'homme qui se guide lui-même à la vie.

  • Haikai renga

    Il y a longtemps
    Que je n'avais pas pleuré
    Quelle volupté !


    Cette année les impatiences
    Ont fleuri au mois d'octobre

  • [Je t'ai reconnu a ton rire]

    Je t'ai reconnu a ton rire
    Tu ris trop
    Et d'un rire trop « de la gorge »
    Pour ne pas tricher
    Le rire vrai vient du ventre
    Le tien porte la marque
    De ceux qui luttent

  • Usage de l’anatomie dans le style sécession d’Hermann Nitsch / Ornement et tragédie

     

    J'ai découvert Hermann Nitsch par hasard lors d'une exposition de ses dessins, ce ne sont pourtant pas ceux-là qui ont fait sa notoriété. J'ai été surpris de retrouver à ce point, chez un artiste contemporain plutôt habitué aux provocations trashes et aux happening, la tradition viennoise de l'ornement. L'ensemble m'a saisi, ces dessins exécutés sur des support d'assez grande dimension, tiennent encore, bien que certains puissent être abstraits, de cette figuration sans signification propre, de ces image pures et pourtant non litérales de la Sécession. Hermann Nitsch m'est apparu d'emblée comme une nouvelle Secession. Il revendique d'ailleurs cette influence de Klimt, Schiele et Kokoschka. Peut-il faire autrement tant celle-ci est apparente ? On retrouve la même répétition des motifs, l'accumulation de figures, l'ampleur de la ligne dans sa souplesse et dans son décuplement, lignes frivolesvolent volutes, l'omniprésence de la courbe : surtout ne pas laisser de place sur la toile ou le papier, la ligne est cependant plus violente plus accusée peu soignée comme dans une esquisse, le côté sale du travail est pleinement assumé voire revendiqué. La différence réside là, dans cette distance d'avec la préciosité de ses maîtres, en tout cas la préciosité de Klimt, moins de Schiele ; la couleur s'impose toujours riche mais sans luxe au contraire, dans ce qu'elle peu avoir de pétant et vulgaire : ce n'est plus celle de l'or mais de feutres fluorescents bleu et rose.

    Hermann Nitsch va au-delà de la Sécession viennoise sur un dernier point : dans son recours généralisé non seulement à un organique végétal mais le plus souvent anatomique. Il se fait fort de recourir à l'humain parmi ses sources de motifs. L'humain dans sa chair, dans ses fibres devient l'origine et le but de l'ornement. Les motifs qui s'accumulent ne sont plus géométriques ni des fleurs, ni des feuilles mais des cellules accolées en tissus, l'embrouillamini des intestins, le réseaux complexe des veines et des artères. Le corps humain dans son intégralité, dans ce qu'il a d'interne et/ou de microscopique est concerné et devient le sujet de l'œuvre tragique. L'ornement chez Nitsch est porteur d'une catharsis, prompte à provoquer le dégoût au moins de prime abord ; les odeurs du sang séché utilisé pour certaines toile n'aide pas à apaiser le haut-le-coeur. Hermann Nitsch est à l'opposé du paradis perdu esthétisant de Klimt. Il se dégagede ces dessins la terreur primordiale violente et sacré de la Cruauté qui relie l'humain au cosmos, l'homme-monde parmi les éléments naturels au même titre que les autres motifs feuilles, fleurs, formes géométriques élémentaires de la nature. Nitsch montre la viande que nous cherchons à cacher, à nous cacher ; il ne recourt jamais aux organes nobles. Klimt peignait des yeux, le seul élément humain à se retrouver dans son œuvre à l'état de décor ; Nitsch fait l'éloge du viscère et des bas morceaux. Sa tragédie est un humanisme de la bassesse. Comme pour Ladislav Klima, l'homme a aussi des tripes ; et le péché héréditaire de l'homme est de vouloir atteindre la perfection en liquidant la bassesse moyennant l'ablation des intestins. L'ornement de Nitsch renvoie l'homme à son être purement matériel et imparfait, et doit conduire tout au contraire du dégoût initial à un amour de sa chair et du corps vivant.

    Les dessins d'Hermann Nitsch doivent être considéré comme le pendant de son œuvre scénique, quelques uns sont d'ailleurs des ébauches de décors, mais à cette différence près que les dessins dépassent l'essence de l'activisme qui s'est trop souvent cantonné dans un esprit d'outrage et dans l'insane. Michel Houellebecq pour revenir aux Particules élémentaires analyse dans une de ses digressions sociologiques et critiques l'actionnisme viennois qu'il juge symptomatique du mal d'une époque. En comparant une évolution individuelle, celle Sade, à l'évolution sociale – est-ce que ce genre de comparaisonont un sens ? - il conclue qu'Hermann Nitsch est le représentant emblématique d'une dégradation achevée des valeurs morales, conséquence des idéaux libertaires. Hermann Nitsch en est l'aboutiossement, ce moment où des individus ayant épuisés les jouissances sexuelles assouvissent leurs pulsions dans le sadisme, la cruauté et la bestialité. Quoique excessive cette critique pointe une des limites patentes de l'activisme : son incompréhension du fait tragique. Les exemples donnés par Hoeullebecq ; des animaux écorchés sur scène, l'usage à tout crin de sang sont ce qui fait différer le happening abject de la tragédie. L'horreur tragédie grecque bien que visible reste mesurée, c'est une juste horreur. Personne n'y cherche du plaisir et la catharsis n'est pas jouissance. La tragédie est tout le contraire de l'affirmation de la liberté. Pour cette raison, les dessins d'Hermann Nitsch ne peuvent pas, à proprement parler, être considérés comme appartenant à l'activisme. Ils relèvent sans doute davantage d'un post-activisme : la violence et le désir libertaire intégral y étant canalisé bridés par une contrainte esthétique qui s'appelle l'ornement. C'est par l'ornement que Nitsch accède à aux idées d'ordre et d'amour.